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Grandes écoles pour petits budgets

Updated: Aug 11, 2018

Neoma et Sciences Po ne sont pas inaccessibles aux jeunes de classes populaires.

 

À Sciences Po, le directeur explique qu’un programme « Premier campus » a été mis en place qui propose des semaines d’immersion à des lycéens pour les accompagner jusqu’à la réussite dans l’enseignement supérieur. Photographe : Archives L'Union

Alors que les élèves de première et de terminale vont découvrir les résultats du baccalauréat, leur avenir dans l’enseignement supérieur est encore incertain. Selon l’observatoire des inégalités, « plus on s’élève dans les études supérieures, moins on compte de jeunes des milieux populaires ». Qu’en est-il des lycéens rémois ? Les deux grandes écoles de la métropole, à savoir Sciences Po Paris et Neoma business school, proposent des dispositifs d’aide pour lutter contre le pré-déterminisme socio-économique.


CONSTAT

Sans même parler de filières sélectives, les étudiants originaires des classes les plus modestes sont sous-représentés dans l’enseignement supérieur (voir infographie). Ce constat est aggravé dans les filières dites sélectives, telles que Neoma ou Sciences Po : près de 50 % des étudiants en classe préparatoire en 2014-2015 étaient issus d’une famille de cadres supérieurs, contre 6,4 % de familles ouvrières (ministère de l’Éducation nationale).

Comment expliquer ce bilan catastrophique ? Les lycéens de familles plus modestes sont souvent moins bien informés lors de l’orientation et sont rebutés par des frais de scolarité élevés et un concours d’entrée très sélectif. Par conséquent, ils ne tentent même pas la procédure d’admission : c’est le phénomène d’autocensure.

Interrogés, les responsables de Neoma et Sciences Po sont tous deux bien au fait de cette problématique, et souhaitent diversifier leur corps étudiant. Dans cette école de commerce, environ 14 % des étudiants sont boursiers du supérieur, et plus du double le sont à Sciences Po. Ils reçoivent des bourses de 1 000 à 5 500 € par an de la part du CROUS, sur critères socio-économiques.

Pour atteindre un certain niveau de mixité sociale, Sciences Po et Neoma ont chacune adopté une approche différente. La business school propose une procédure d’entrée unique. Mme Manceau, directrice générale de Neoma BS, explique avoir « fait le choix d’avoir un seul dispositif d’entrée en aidant davantage, en amont, les étudiants qui en auraient besoin. » L’école de sciences sociales, elle, a fait ce choix d’un concours parallèle, appelé « CEP » pour Convention d’éducation prioritaire (voir encadré).


RESPONSABILITÉ DES GRANDES ÉCOLES

Une question se pose : qui de l’État et/ou des grandes écoles doit être l’acteur majeur de l’égalité des chances ? Mme Manceau avance que son établissement « a un engagement moral, c’est celui que personne ne renonce à Neoma pour des raisons financières. »Sciences Po estime être « l’école de la diversité. ». Frédéric Mion rappelle que son institut accueille « une population étudiante extrêmement diverse : 30 % de boursiers, près de 50 % d’étudiants de nationalité étrangère et une majorité d’étudiants qui sont issus de nos régions, hors d’Île-de-France. » Il est donc « convaincu que Sciences Po contribue au renouvellement des élites. »

« La responsabilité des universités vient bien après celle de l’État » selon Jeanne, étudiante à Sciences Po. Selon Aniela, étudiante en deuxième année à Neoma BS, « l’État et les grandes écoles doivent intervenir conjointement pour briser l’autocensure. »


STOPPER L'AUTOCENSURE

À Sciences Po, le directeur affirme que stopper l’autocensure est « un travail de longue haleine », pour lequel il a « mis en place un programme intitulé « Premier Campus » qui propose des semaines d’immersion à des lycéens pour les accompagner jusqu’à la réussite dans l’enseignement supérieur, à Sciences Po ou ailleurs. »

Chez Neoma, Mme Manceau souligne que « des associations étudiantes existent pour lever les freins psychologiques et aider à la préparation des concours. »


POLITIQUE SOCIALE ET QUOTIDIEN D'ÉTUDIANT

Neoma demande des droits de scolarité fixes, de 9 500€ par an en moyenne. Sciences Po applique des droits dégressifs en fonction des revenus des parents, de 0 à 10 370 €.

Neoma offre des réductions de droits de scolarité : « J’ai une bourse de la fondation qui représente 50 % des frais de scolarité », développe Aniela, ce qui ne l’a pas empêchée de faire un emprunt d’environ 35 000 € pour l’ensemble de ses études. Son école développe les contrats d’apprentissage, qui concernent 9 % des étudiants. Sans aide financière de ses parents, Aniela a pris soin de trouver un stage rémunéré afin de « rembourser plus rapidement son prêt ». Selon elle, « quand on fait une école de commerce, c’est forcément un pari sur l’avenir. » De son côté, Jeanne, étudiante en première année à Sciences Po, détient une bourse du CROUS, complétée à 75 % par son école. Elle n’a pas eu à contracter de prêt pour l’instant mais l’envisage pour son année obligatoire à l’étranger : « Il me sera impossible de vivre un an dans une métropole trop chère. »

Socialement, aucun étudiant boursier interrogé n’a connu de grandes difficultés d’intégration, même si Jeanne dit avoir « souvent senti un vrai décalage, une fois entourée d’étudiants pour la plupart issus de milieux très favorisés. » Concrètement, les deux étudiantes interrogées sont cependant contraintes de se serrer plus ou moins la ceinture. Aniela se concentre sur ce qu’elle mange. Jeanne admet sortir moins que la moyenne mais « n’a pas l’impression d’en souffrir. » Les deux étudiantes sont satisfaites de la politique sociale de leurs écoles.

Comme le précise Delphine Manceau, « faire des études de qualité, c’est un investissement qui donne accès à une très bonne carrière professionnelle », d’autant qu’entre 90 % et 100 % des étudiants intégrant le marché du travail trouvent un emploi dans l’année suivant l’obtention de leur diplôme.


AIDE APPORTÉE PAR LES ASSOCIATIONS

Dans les deux écoles, le réseau associatif est très présent et organise l’en- traide entre étudiants et lycéens candidats. SOSciencesPo organise par exemple des parrainages, grâce auxquels les candidats peuvent faire relire leur lettre de motivation, passer des oraux blancs d’admission ou tout sim- plement bénéficier d’un soutien psychologique. Les bénévoles des Cordées de la réussite se déplacent dans des lycées pour organiser des ateliers et préparer les élèves. « Les étudiants qui ont récemment passé le concours accompagnent les lycéens et créent une proximité et un partage d’expé- rience avec eux », résume la directrice de Neoma.

 

DES ÉLÈVES BOURSIERS À SCIENCES PO Le directeur de Sciences Po explique qu’un programme « Premier Campus », qui propose des semaines d’immersion à des lycéens pour les accompagner jusqu’à la réussite dans l’enseignement supérieur, a été mis en place. Une de ces semaines est justement organisée à Reims du 6 au 13 juillet. Elle s’adresse à des élèves boursiers pour les aider à passer le cap de l’enseignement supé- rieur. Ils seront une cinquantaine dont une vingtaine de l’académie de Reims. Cette semaine sera du reste marquée par la signature d’une convention avec l’académie. Des cours magistraux seront dispensés dont un notamment par Cédric Villani, député et mathématicien titulaire de la médaille de Fields.

 

Un concours parallèle pour SciencesPo

La Convention d’éducation prioritaire est une procédure d’admission parallèle à la procédure classique d’entrée à Sciences Po. Elle est mise en place dans 106 lycées de France métropolitaine et d’outre- mer, classés en zone d’éducation prioritaire (ZEP) et ayant signé un partenariat avec la grande école. Cet accord permet l’installation d’un « atelier Sciences Po » pour les élèves de terminale, dans leur lycée, encadrés par des professeurs volontaires. Tout au long de leur der- nière année de lycée, les candidats préparent un dossier de presse sur un thème de leur choix, pour lequel ils sélectionnent une ving- taine d’articles. Ils rédigent ensuite une synthèse de ces derniers et enfin développent leur opinion dans une note de réflexion person- nelle sur un sujet connexe. Une fois ce dossier finalisé, les lycéens passent un oral d’admissibilité pendant lequel ils soutiennent leur dossier, et enfin un oral d’admission, similaire à celui de la procé- dure classique. Aucun quota n’est imposé par Sciences Po quant au nombre de lycéens pouvant intégrer l’école via cette procédure, qui recrute chaque année environ 150 étudiants. Une fois admis, ils bénéficient d’un accompagnement personnalisé : un programme

« Booster » de cours méthodologiques, du tutorat par un étudiant en master, des bons d’achat à la librairie de l’école, etc.


Article publié dans l'Union, en print et web.

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