Après les explosions dévastatrices mardi, les regards se portent vers l'économie chancelante du Liban. Ce dernier, en grave crise depuis plusieurs années, ne pourrait être remis à flot, temporairement, que par une aide du FMI.
Banqueroute. Le Liban est en défaut de paiement depuis mars . Sa dette colossale de 92 milliards de dollars est la troisième mondiale en termes de rapport au PIB (170 %). Le pays nécessite urgemment une injection de liquidités pour se remettre à flot. Un chantier titanesque en perspective, qui s'annonce encore plus difficile après l'explosion de mardi, en raison de la paralysie probable du port. D'autant plus que les dégâts dans la ville sont estimés entre 3 et 5 milliards de dollars.
Avant même la crise du Covid-19, presque 50 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté et le chômage atteignait 35 % selon les chiffres officiels.
Banque centrale
La Banque du Liban (BdL), jusque-là perçue comme l'une des rares institutions stables dans un contexte politique tumultueux, est désormais pointée du doigt. Ces dernières années, elle s'est résolue à emprunter auprès des banques commerciales à des taux supérieurs au marché pour rembourser ses dettes préexistantes.
Un mécanisme digne d'un schéma pyramidal, de type Ponzi, selon Nasser Saidi, ancien vice-gouverneur de la banque centrale. Environ 85 milliards de dollars auraient été empruntés par ce biais, soit plus du double des réserves de change de la banque. La BdL a dû se résoudre à augmenter les taux d'intérêt pour défendre, en vain, la devise, dont la chute a fait flamber l'inflation l'année dernière via un renchérissement des produits importés. L'inflation a atteint 90 % sur un an en juin dernier. Les prix des produits de première nécessité ont été multipliés par trois en moyenne.
Inflation
Le taux de change avec le dollar américain s'est effondré à cause de la diminution des réserves de change. Fin 2019, les banques commerciales étaient restées fermées pendant plus d'un mois, avaient limité les virements vers l'étranger et restreint les retraits de dollars américains. La valeur de la livre libanaise a chuté de près de 80 % sur le marché noir. De fort coûteuses subventions publiques limitent l'inflation : le blé, le mazout et les médicaments sont concernés. Mais cette mise sous cloche, qui ne pourra pas durer, ne fait que retarder l'inévitable flambée des prix.
Recherche de liquidités
Ruiné, le Liban a épuisé tout recours auprès des bailleurs de fonds traditionnels. La conférence CEDRE de 2018 avait abouti à une promesse d'aide de 11 milliards de dollars, à condition de réformer le pays, ce que l'exécutif s'est empressé de ne pas faire. Le Liban s'en est donc remis au Fonds monétaire international (FMI) en mai, afin d'obtenir une aide d'urgence. Cette dernière est conditionnée à un strict plan de réformes, concernant notamment une refonte du secteur bancaire, adopté par le gouvernement fin avril. Mais après plus de 17 réunions, le projet d'aide de 10 milliards de dollars semble s'enliser .
De son côté, la France est intervenue, en juillet, par le biais d' une visite officielle de Jean-Yves Le Drian à Beyrouth . Il a lui aussi appelé les autorités libanaises à enclencher des réformes, à commencer par un audit de la banque centrale, présenté comme un prérequis de tout déblocage d'aide financière.
Port de Beyrouth
Cette situation économique n'est pas près de s'améliorer. Alors que la diaspora a réduit considérablement ces derniers mois les transferts d'argent qui soutenaient l'activité, la destruction du port de Beyrouth devrait accentuer encore l'inflation, puisqu'il constituait le principal point d'arrivée de marchandises. La grande majorité de la nourriture consommée dans le pays est importée, notamment le blé, à hauteur de 90 %.
Le port de Beyrouth disposait de liaisons directes avec 56 ports et commerçait avec près de 300 ports dans le monde. Selon Anadolu, l'agence de presse de l'Etat Turc, le port a reçu 7,05 millions de tonnes de marchandises en 2018, soit 72 % du total des importations par la mer. Le Conseil de défense libanais a déjà recommandé de préparer le port de Tripoli, au nord du pays, pour qu'il prenne le relais du port commercial.
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