Après plus d'un an sans relations diplomatiques, la Serbie et son ancienne province se sont rencontrées jeudi, à Bruxelles, sous les auspices de l'UE. Si quelques efforts ont été consentis récemment, les négociations ont tourné court, douchant tout espoir d'accord imminent.
Un parcours d'obstacles. Les relations entre la Serbie et le Kosovo « sécessionniste » sont tendues depuis deux décennies et la reprise du dialogue, sous l'égide de l'Union européenne, a peu de chances d'aboutir à un accord. Dimanche dernier, une réunion virtuelle avait permis de remettre les discussions « sur les rails », selon Bruxelles. Cependant, les déboires judiciaires du président kosovar, Hashim Thaçi , s'ajoutent à la crise géopolitique latente. Accusé de crimes de guerre , il a été interrogé lundi et mardi derniers à La Haye.
« J'encourage les deux parties à aborder les discussions d'aujourd'hui dans un esprit de compromis », a déclaré, jeudi, Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, avant les réunions bipartites, puis tripartite. Mais la réunion a tourné court. « Je pense qu'il (Avdullah Hoti, Premier ministre Kosovar) a mentionné 'deux pays' à 20 reprises, et j'ai constamment essayé de leur dire que l'un était le pays et que l'autre était une province autonome », a lancé le président serbe Aleksandar Vucic.
Indépendance contestée
Proclamée en 2008, l'indépendance kosovare est contestée par la Serbie et les minorités serbes du Kosovo, mais majoritairement reconnue par l'Occident. Pour le Kosovo, cette reconnaissance est nécessaire pour obtenir un siège à l'ONU. Pour la Serbie, elle constitue un obstacle dans le processus d'adhésion à l'UE. Les tentatives de compromis de l'ONU, en 2007, et de l'UE, en 2013, n'avaient pas abouti.
« Les uns veulent être reconnus et rien d'autre, et les autres veulent tout sauf reconnaître », explique Loïc Trégourès, chargé d'enseignement à l'Université catholique de Lille. « C'est une situation inextricable. »
Rapport de force déséquilibré
Le contexte politique instable du Kosovo est un handicap. Le gouvernement dispose d'une courte majorité au Parlement , la population réclame de nouvelles élections et le président est devenu persona non grata.
Le Premier ministre doit donc se contenter du rôle de porte-parole. Du côté serbe, c'est l'opposé : l'exécutif dispose d'une écrasante majorité au Parlement et d'une opposition annihilée. « Néanmoins, cette position de force peut aussi être une position de faiblesse parce que le président ne peut plus se cacher derrière qui que ce soit », analyse Loïc Trégourès.
Points de discorde
Au-delà de l'indépendance, d'autres questions doivent être tranchées : le statut des Serbes vivant au Kosovo, le statut des sites religieux orthodoxes ainsi que les réparations de guerre exigées par le Kosovo. Un potentiel échange de territoires, évoqué pour la première fois en 2018, pourrait resurgir.
Inculpation du président kosovar
Des progrès symboliques ont été consentis depuis le début de l'année avec un projet de reprise de liaison aérienne entre les deux capitales et le retrait de la mission de maintien de l'ordre de l'UE le mois dernier. Sur le plan des négociations, l'enjeu est de taille pour Bruxelles, qui est en concurrence avec les Etats-Unis. A la dernière minute, Donald Trump a tenté d'enfiler le costume de faiseur de paix dans ce conflit. Un sommet, prévu à la Maison-Blanche le 27 juin, a dû être annulé in extremis suite à la mise en accusation du président kosovar.
« La meilleure chose à faire pour le Kosovo est d'attendre une éventuelle administration Biden qui leur sera plus favorable », estime Loïc Trégourès. « Quant aux Serbes, ils pouvaient être favorisés par un accord avec l'administration Trump, ce qui ne sera pas forcément le cas avec la prochaine. »
Miroslav Lajcak, représentant de la région auprès de l'UE, a annoncé qu'une nouvelle réunion était prévue en septembre.
Comments