Le Parti démocrate s'affiche uni avant les élections de novembre, mais à y regarder de plus près, de nombreuses divisions internes menacent la cohésion du parti. L'aile gauche, autrefois ralliée à Bernie Sanders, va devoir se résigner à voter pour un candidat et un programme politique qu'elle ne soutient pas.
Les jeux seraient presque faits. Les sondages donnent Joe Biden bon gagnant des élections du 3 novembre, mais certains électeurs démocrates ne voudraient pas que leur vote soit déjà considéré comme acquis. Les primaires du parti ont mis en lumière un éventail de branches -voire de divisions- politiques au sein des Démocrates. Deux courants principaux en ont émergé : une aile gauche socialiste, principalement représentée par Bernie Sanders, et une aile centriste, dont Joe Biden est le rescapé.
Ce dernier est désormais assuré d'affronter Donald Trump. Soucieux de rallier tous les partisans démocrates à sa candidature, il a mené des consultations avec ses anciens adversaires pour concevoir un programme consensuel. Joe Biden a notamment retenu le salaire minimum horaire à 15 dollars et l'université gratuite pour les étudiants dont le foyer familial gagne moins de 125.000 dollars par an. De quoi faire de lui « le président le plus progressif depuis Franklin D. Roosevelt », selon Bernie Sanders en personne.
Parier sur l'unité du parti
Des avancées trop timides pour les plus à gauche. « Les Etats-Unis sont l'un des seuls pays de l'OCDE où les programmes de Biden et de Sanders coexisteraient dans le même parti », remarque Alexandra, étudiante originaire de Chicago. « Il est très difficile de se rallier à lui, parce que ce n'est pas un compromis, c'est abandonner toutes les réformes qui m'importent ».
Comme en 2016, les supporters de « Bernie » sont priés de soutenir un autre candidat, ce qui ne fait pas l'unanimité. « Il n'y a pas au sein de cette aile gauche l'hostilité contre Biden qu'il y avait contre Hillary Clinton. Joe Biden est un personnage un peu plus consensuel », estime Nicole Bacharan, politologue.
Un candidat clivant
Beaucoup ne sont pas de cet avis. Au Congrès, en effet, l'ancien bras droit de Barack Obama a soutenu certaines mesures et leur contraire à plusieurs reprises : fortement opposé à l'avortement au début de sa carrière, Joe Biden a fait volte-face et s'affiche désormais comme défenseur « pro choice ». Ce côté malléable est aussi sa plus grande qualité, que même ses opposants lui reconnaissent.
« Il sait négocier les projets de loi avec les Républicains, mais ce sont de mauvais compromis, de mauvaises lois », affirme Drew Lombardi, membre du groupe de soutien du sénateur du Vermont en France. Il cite l'exemple de la loi sur l'insolvabilité de 2005, très controversée, qui l'a empêché de se déclarer insolvable pour son prêt étudiant. « Je ne peux plus obtenir de prêt aux Etats-Unis, je n'aurai jamais de maison, je ne posséderai jamais de voiture, et je dois rembourser mon prêt étudiant de 120.000 dollars ». Autres griefs du camp Sanders : les votes de Biden pour une loi sur le crime en 1994 et la guerre en Irak, ainsi que ses liens avec les lobbys et le secteur bancaire.
L'élection devient référendum
En 2016, le grand gagnant de la présidentielle américaine était l'absentéisme, culminant à 40 % . Cette année, l'enjeu du taux de participation a été pris en compte par Joe Biden, qui redouble d'efforts pour séduire un électorat plus jeune, et plus à gauche. Mais leur ralliement tourne au mariage forcé. « C'est un candidat qui peut paraître repoussant pour la gauche socialiste démocrate », explique Sonia Dridi, auteur d'un livre sur le candidat. « Les jeunes sont très déçus d'avoir un candidat dans lequel ils ne se reconnaissent pas, un vieux dinosaure ».
Les électeurs ont le sentiment qu'on leur vole leur élection qui s'apparente, comme en 2016, à un référendum pour ou contre Trump. Celui-ci phagocyte au passage le débat politique interne au parti. Le mot d'ordre est donc centrisme, pour s'assurer du changement de locataire de la Maison-Blanche. Un cap que Joe Biden sait tenir. Face à Trump, son profil rassure : « il incarne quelque chose dont les gens ont terriblement besoin : le calme, la raison et la normalité », tempère Nicole Bacharan. C'est cet argument qui fait mouche auprès des auto-proclamés socialistes : « Je ferai comme en 2016. Je voterai à contrecoeur, pour le candidat démocrate », soupire Drew Lombardi.
Comments