La crise sanitaire et ses conséquences économiques devraient détruire 31 millions d'emplois cette année, selon le rapport des perspectives sur l'emploi de l'OCDE. En nombre d'heures travaillées, la perte, depuis le début de la pandémie, est 10 fois supérieure à celle enregistrée lors de la crise de 2008.
Eviter que la crise de l'emploi ne se transforme en crise sociale. Angel Gurría, le secrétaire général de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a tiré la sonnette d'alarme, mardi matin, en présentant le dernier rapport des perspectives d'emploi . Accompagné de son responsable de la Direction de l'emploi, du travail et des affaires sociales, Stefano Scarpetta, il s'est montré pour le moins alarmant. Le taux de chômage des pays membres de l'Organisation a atteint, en avril, son plus haut niveau depuis 10 ans, à 8,5 %.
Preuve de l'incertitude ambiante, les auteurs du rapport avancent deux hypothèses : l'un avec une seconde vague épidémique et l'autre sans. Selon le scénario le plus optimiste, les 37 pays membres de l'Organisation devraient perdre pas moins de 31 millions d'emplois cette année. Seule la moitié d'entre eux seraient recréés l'an prochain. En termes d'heures travaillées, c'est l'hécatombe : une baisse de 12 % trois mois après le début de la crise, soit 10 fois plus que la crise de 2008 à la même période. Sur la potentielle similarité des deux crises, Stefano Scarpetta a joué la prudence : « C'est un peu tôt pour se prononcer, nous sommes encore dans l'oeil du cyclone ».
Dispositifs d'aides publiques sans précédents
Dans le contexte de crise sanitaire, l'OCDE a souligné l'intérêt des dispositifs d'aides créés à la hâte, permettant de préserver la santé des actifs (grâce à la promotion du télétravail, aux congés maladie payés), et d'absorber le choc économique par le recours au chômage partiel. Tous les pays de l'OCDE ont offert des soutiens financiers aux entreprises. Environ un quart ont interdit les licenciements. En particulier en Espagne et en Italie. Cette mesure devrait avoir un effet à retardement sur le marché de l'emploi. « Les empêcher de licencier contraint les entreprises à renoncer à l'embauche d'indépendants », constate Stefano Scarpetta. Le taux d'actifs en télétravail a bondi : de 3 % avant la crise, il atteint aujourd'hui 30 % et même 60 % au Royaume-Uni ou en Suède. Par conséquent, cette nouvelle organisation de travail créée de nouveaux besoins, comme la garde d'enfants, par exemple.
Accroissement des inégalités
En première ligne des personnes les plus touchées économiquement, celles qui étaient déjà défavorisées : les employés les moins bien payés, ceux à temps partiel, les autoentrepreneurs et intérimaires, les femmes et les jeunes.
L'heure est critique pour aider les jeunes en insertion professionnelle : « la probabilité que les diplômés de cette année décrochent un emploi, ou même un stage, est très faible » redoute Angel Gurría. A cet égard, le taux d'évolution des offres d'emploi en ligne est parlant. Il a chuté de 60 % au Mexique par exemple, de 30 % en France et de 20 % en Allemagne, transformant la quête d'un premier emploi en parcours du combattant. Un constat partagé par l'Organisation internationale du travail (OIT) qui, fin mai, soulignait qu' un jeune sur six avait perdu son emploi .
Perspectives de reprise
L'OCDE exhorte ses pays membres à réagir. « Les chiffres donnent le vertige, il faut cibler ceux et celles qui ont le plus de besoins et les organisations qui sont le plus vecteur d'emplois » a martelé Stefano Scarpetta. Deux axes de travail se dégagent : adapter les mesures de crise sur la durée pour soutenir la reprise et saisir cette opportunité pour reconstruire un marché du travail « plus juste et résilient ».
Toutefois, les mesures économiques ne suffiront pas. « Résoudre la crise sanitaire est un prérequis de la résolution de la crise de l'emploi », a prévenu Stefano Scarpetta.
Comments