Après le Néerlandais Mark Rutte, c'est le chancelier autrichien Sebastian Kurz qui est monté au créneau pour défendre la position des quatre « frugaux ». Opposé à une mutualisation de la dette en Europe, il réclame des réformes dans les pays du Sud, accusés d'être trop dispendieux.
Par Hortense Goulard & Tristan Werkmeister
« Je suis contre une mutualisation de la dette par la porte de derrière », expliquait-il en juin au quotidien allemand « Handelsblatt ». Pour le chancelier autrichien Sebastian Kurz, pas question de distribuer des milliards aux pays les plus affectés par le coronavirus sans obtenir de garanties. Il a été immédiatement réticent au plan de relance proposé en mai par la France et l'Allemagne, prévoyant un fonds de 500 milliards d'euros pour renflouer les pays les plus affectés par la pandémie.
Aux côtés du Premier ministre néerlandais Mark Rutte, il soutenait cette position face aux autres dirigeants européens réunis depuis vendredi en sommet à Bruxelles . L'Autriche exigeait en effet de mettre en place des conditions d'octroi de subventions et de prêts. D'autant plus que le pays souffre lui aussi de la crise. Son endettement a ainsi augmenté de 74 % à plus de 90 % du PIB entre 2018 et 2020. Un million d'habitants (sur une population de 8,9 millions) bénéficient d'une aide de l'Etat parce qu'ils sont au chômage partiel à cause de la crise.
Un stratège
Au niveau national, le chancelier navigue entre valeurs traditionnelles de droite conservatrice et positions pro-européennes. Derrière son apparence juvénile, un perfectionniste (« detailverliebt », amoureux du détail en français) est aux commandes : très poli et élégant, il ne commet jamais de faux pas. Il est souvent accusé d'être trop stratège, voire opportuniste, en capitalisant par exemple sur les peurs de son électorat lors de la crise migratoire pour se faire élire.
En 2019, il est réélu triomphalement à la tête du gouvernement , grâce notamment à des reports de voix de l'extrême droite, et parvient à former une coalition avec les Verts. Difficile dans ces conditions de définir une position acceptable par ses soutiens d'hier et d'aujourd'hui.
Pendant les négociations ce week-end, Sebastian Kurz s'est dit « plus flexible » que son homologue néerlandais, Mark Rutte. Il plaide en outre pour un fléchage de l'argent européen, vers « l'écologie, le numérique et les réformes », et déplore le manque de compétitivité de certains pays européens.
Arrivée au pouvoir
Sebastian Kurz, c'est avant tout une carrière fulgurante . Engagé en politique à 14 ans, il dirige les jeunes du parti conservateur (OVP) à 22 ans, est élu à Vienne à 24 ans et abandonne ses études de droit pour se consacrer à la politique. Il entre au gouvernement l'année suivante, et continue de grimper les échelons. Plus jeune ministre des Affaires étrangères au monde à 28 ans, il devient chancelier quatre ans plus tard. Ce qui lui vaut le surnom d'« enfant prodige »dans son pays.
Alliances politiques
Lorsqu'il était à la tête d'une coalition avec l'extrême droite, le conservateur a défendu une politique migratoire très stricte, tout en restant pro européen. Un exercice de style. En mai 2019, sa coalition avec son vice-chancelier d'extrême droite s'effondre suite à la révélation des liens financiers de ce dernier avec la nièce d'un oligarque russe.
Des élections anticipées sont organisées, à nouveau remportées par l'enfant prodige, qui creuse son avance vis-à-vis de l'opposition. Privé de son allié politique devenu infréquentable, il fait le choix osé, mais stratégique, de former une coalition avec les Verts , pourtant ancrés à gauche.
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